14.11.06

Le retour -imaginaire- du père prodigue

"The love you take" Par Raun (sur deviantart)

Certains instants, à l’apogée de quelques douces euphories, je l’imagine, cet idéal, ce prince paternel, revenant me sauver de mes dragons, de mes peurs vénéneuses.

Il est là, peu fier, penaud et maladroit, son destrier flambant neuf, l’apparat d’une richesse qui n’achète plus la dignité ni le respect de sa fille qu’il a perdu.


Je me plais à l’imaginer, il ne rampe pas, non, car je n’imagine pas une douce vengeance, non, je matérialise soudainement devant moi, quelques déchues espérances…


Il est là, grand qui tache de se tenir droit, comme l’enfant à qui sa mère rappelait « Un grand se tient toujours droit ! »

Et les leçons oubliées, les valeurs ensevelies et les larmes noyées derrière quelques profits.

L’amère lui a lavé le visage, comme un vigoureux récurage, lui laissant de profonds sillons prolongeant ses yeux lourds.

Il se tient là, dans ce quartier vieillot, ce quartier neuf d’une bourgeoisie petit-village, il ne dépareille pas dans ce paysage composé d’artistes, d’affaires fleurissantes et de richesse enivrantes, mais il me semble tout rapetissé devant l’étroite entrée jouxtant mon appartement.

Son élégance toujours appliquée, ce rôle toujours feint, cet homme si souvent trahis, car si souvent aveugle des véritables saveurs de sa vie.

Il est là, devant moi, le visage penché, de côté, il me regarde, un air triste et fatigué, il ne sait pas comment réagir, il n’a jamais su, me tenir dans ses bras ne lui fut jamais naturel.


Il est juste… là.


Mon cœur se serre, car l’ombre imaginaire disparaît, comme une brume balayée par un doux zéphyr, laissant derrière lui l’haleine glacée de la mélancolie.


Je frissonne, et dans ma tête, réitère ce chemin devenu habituel, je traverse l’étroit couloir, descend la marche, me plante dans cette petite cour délabrée, les yeux tournés vers le ciel, souvent gris, parfois bleu et d’autres parsemés d’étoiles.

Je le dévisage, ce ciel qui, si souvent me fait rêver et si souvent me trahit alors qu’il n’avait rien promis.

Je l’accuse et il me lave, me déleste des eaux sales trop longtemps retenues.

Plantée là, comme un chêne, qui lorsque le voisinage s’annoncera, disparaîtra comme un rayon de soleil, éclairé d’un nuage.


Les épaules lourdes, je soulève mes racines de tourments, évite la tombe d’un ancien pavé, et gravit le tortueux escalier du premier étage.

La clef se tourne, comme la page d’une vie, la porte s’ouvre et un chat, souvent deux, surgit.

Le ronronnement endort les derniers souvenirs meurtris et là, mon antre protectrice m’enveloppe, d’un cocon qui se veut pétale d’une nouvelle sortie.



Cidiène