23.3.11

L'idiot du village

"Bonjour.
Je suis l'idiot du village."

Je vois tout, mais je comprends pas.
J'entends tout, mais j'le dis pas.

Je n'comprends pas…
Celui qui crache sur le bitume.
Celle qui murmure.
Et ceux qui hurlent !

Paroles haineuses.
Idées vaincues.
Filles amoureuses.
Garçons à nu.

Je ne comprends pas la libellule qui s'écrase sur la lune.
Le lion qui bave sous les camtards.
Le punk qui envie, celle qui, s'couche tard.

L'idiot du village, paraît qu'il comprends rien.
Il voit les sourires.
Les regards en coin.
Il se saoule à l'air du matin.
Il hausse les sourcils devant les haut la main.

Il comprends rien.

Pas de facebook à la maison.
Et pas de freins sur le camion.
Il aime les gens qui s'émerveillent.
Et ceux qui crient !
Ceux qui crient.

Il aime les gens qui…
Dès fois...
Rient aux larmes devant un homme,
Qui se cass' la gueule.

Il aime les gens qui…
Dès fois…

Le regardent sans rêver.
L'aident sans trop l'aimer.
Lancent un sourire de pitié.
Un bonjour sans trop de gaieté.

Je suis l'idiot du village et tout c'que j'vois, j'vous le dit pas.
Mais parfois, le saviez vous, j'observe vos petits rendez vous.
Vos rires, vos mains, vos visages.
Qui ont l'air sage, tristes, et bien pâles.

Je suis l'idiot du village.
Je suis l'idiot du village...

Vous devriez l'être un jour ou deux.
Vous verriez comme c'est bien.

De s'arrêter, en souriant, juste : bêtement.

Nov 2010

22.4.10

Les veines de Madisone

Aujourd’hui, mes veines s’animent et mon cœur bat.

Demain, mes mains serviront de glas à mes pensées bâtardes.

Lorsque vient le temps, lorsque l’esprit ment, lorsque les gens… Désirent, respirent, réussisent… Et résistent, à la pression qui les entourent, à l’interrogation qui les tourmente. Alors l’aube renaît de ses cendres, et le temps se fait amant d’une autre tourmente.

Nostalgie.
Mémoire.
Désir.

De quoi ? D’une aire nouvelle, d’un paradis perdu.

D’un regard profond.
D’une main tendue.
D’une parole parfois insultante.

D’un rien, qui est tout. De ce tout qui n’est rien lorsqu’on le donne. De ce rien qui devient tout lorsque l’on ne l’a jamais eu. D’un mot simple et peu recherché qui veut tout dire… Différent d’une phrase endimanchée sans âme, sans saveur, sans vie. Sans rien.

La recherche d’un mot percutant est tout lorsqu’il s’éveille de la langue. Lorsque la langue s’immisce et bouleverse le cours du temps… Devenant le gardien d’un bien étrange moment. Intime. Frappant. Comme la trique d’un enfant blessé qui dompte le parent. Comme la claque méritée que l’on balance à qui la veut. Comme le fiel que l’on déverse sur son ennemi déjà vaincu.

L’homme blessé est lion lorsqu’il protège.
L’être humain est le maître de ses propres sacrilèges.

De ses propres vices.

Il les fuit.
Les crée.
Les craint.

Et en redemande.

L’inconstance du cœur est celle du corps.
La symphonie de l’âme devient celle du plus fort.

Mes veines pulsent au rythme d’un battement de cœur régulier.
Mes veines se bloquent au risque de me faire étouffer.
Mon corps répond à la chaleur de l’âtre.
Mon corps meurt sans se battre.

Mes veines s’animent, et mon cœur bat. De trop espérer. De trop tenter. De s’atrophier. Dégénérescence de l’être qui se meut. Se meurt. Se descend sans un mot. D’un coup de revolver calculé. D’une claque méritée. D’un pas a peine esquissé.

Mes veines se bloquent.
Mon corps refuse.

Mon cœur se bat.
Pour gagner.
Pour se défoncer.

Pour aimer sans retour – de manivelle, de tourniquet, d’aimant. Sans détour et sans vice. Mes veines rougeoient, verdâtres, jaunâtres, noirâtres, dans l’âtre du corps sans vie de Madisone.

Qui craint, qui geint, qui se baisse sans honte.
Qui regarde son autre elle sans détour.

Alors que le soleil se relève.


Janvier 2010
Iozhel

2.2.10

Confession d'une primevère officinale




Il est des secrets que l’on emporte dans la tombe. Des morceaux d’histoire, si particuliers et si personnels qu’ils appartiennent à l’indicible, à ces expériences qui nous marquent et nous forgent, mais jamais ne sont volontairement partagées. Ils s’expriment à travers nous, nous transpercent de toutes parts, et sont à la fois douleur et éblouissement de l’âme. Découvrir ces merveilles dans les yeux de l’autre nous mène à un état de compréhension qui dépasse les mots, dépasse les gestes. Délivrés de toute armure, nous nous exprimons tels que nous sommes, esprits et corps que rien ne sépare, amours et haines sanctifiés par transparence. Ils sont la voie à notre pleine réalisation.
Mon histoire est faite d’univers secrets, de visages évaporés, et d’émotions translucides. Ils me pénètrent aujourd’hui, à l’heure où je vous parle, comme ils le faisaient il y a plus de vingt ans. On dit de l’homme qu’il est toujours accompagné, mais toujours seul. Je n’y crois pas, car jamais je ne ressens l’ombre de la solitude en mon cœur. Touchers, senteurs, atmosphères d’antan me parcourent sans que je l’aie voulu, et les visages de ceux que j’ai aimés, abhorrés, ou simplement connus, me sont inoubliables. Je pense que c’est ça, être romantique. Accorder une valeur à chaque frémissement de soi, s’imprégner de ce qui ne s’exprime pas est mon quotidien, depuis toujours. Un état de grâce que je souhaite à chacun d’entre vous de connaître.


Je suis de ceux qui s’émeuvent des choses les plus simples, et repoussent avec ardeur les créations d’une société de l’apparence, de l’ambition. Certains disent de moi que je vis dans les étoiles, parce que je ne les mets pas sur un piédestal. Ils me méprisent, parce que je me fous de Dorian Gray. Et ils me fustigent, parce que je m’intéresse à leurs croyances. En vérité, leurs armures sont si puissantes, leurs yeux si aveugles, que j’en viens à me questionner. Pourquoi le reniement de leur nature propre ? Pourquoi cette volonté d’illustration, d’atteinte du statut de Dieu incarné ? Et pourquoi au dépend d’autrui ?
Partout je croise la vantardise, la couardise, la méchanceté, l’hypocrisie, la mythomanie, au profit d’une image de marque qu’il serait pourtant simple de mettre à bas. Et s’ils commençaient à être fiers de ce qu’ils sont, composantes naturelles d’une planète merveilleusement belle, égales entre elles, humbles, et aspirant au même destin ? S’ils avaient le courage de se présenter sans parures ni boucliers, nus comme le monde, Dieu qu’ils seraient beaux à regarder !


On me demande souvent pourquoi je souris librement, pourquoi je ris et pleure avec tellement de cœur, et pourquoi je n’ai ni peur du ridicule, ni du conflit. On suspecte un lézard, mais moi, j'entendrais une mouche voler.
"Contente pour rien", commentent ceux qui me connaissent parfaitement.
Enchantement de tous les instants.


P.S : Pour une fois, un essai, un vrai. Très brouillon, qui mériterait d'être retravaillé.
De fraiches réflexions, des mots posés sur un ressenti parfois difficile à exprimer, mais que j'ai jugé digne d'être partagé.

6.1.10

Mardi 22 Juillet

Part I

Deux heures



Flou,
Lumières,
Musiques,

La soirée se termine.

Le trait d'eye-liner coule de mes yeux devenus rouges de fatigue. Et ma bouche peinte se tord d'un rictus affolant. Décadent. Franchement, la féminité n'a jamais été mon truc. Et pourtant… Oh putain… Catin… Merde. J'ai osée me trouver jolie ce soir. Tu sais. Je me suis regardée à travers cette vitre, là. Je voyais la nuit noire au dehors. Je voyais aussi, surtout, chaque parcelle de ma peau nue se refléter au travers. Mes cheveux détachés, fous et libres. Mes yeux bleus désaxés. Cette bouche pleine et sensuelle retroussée dans un sourire qui se voulait mutin.

Conneries.
Saleté de mégalo.

Elle est belle cette vie…
Oh oui, ma catin !
Relance ce slow langoureux qui me faisait tant baver !

Je t'en prie.

J'exhume mes sentiments comme je bois cette liqueur si planante. Alors profites-en, toi l'oiseau de nuit que tous rêvent de posséder. Dans tes prunelles se reflète une folie douce qui m'obsède encore. Et je ne cesse d'y penser. D'en rigoler. D'en pleurer. Mais tu sais… Nous ne sommes que des oiseaux de passage, demain nous serons loin.



Part II

Minuit


Tu m'as demandé d'écrire.
De t'écrire.

Pour me libérer de ma rancoeur.
Pour me sauver...
Tu disais.

Comme si j'écrivais un de ces putains de journal intime.
Comme si c'était pour un ami de longue date.
Pour ensuite : tout brûler, recommencer.
A tomber ?

Mais cela ne se commande pas. Ne se dirige pas. Les mots viennent… Un à un, sans que je ne puisses vraiment y réfléchir. Ou sans que je ne le veuille ? Ne le désire ? L'humain est si changeant. Moi, encore plus.

Brûler n'est qu'une étape.
Pas une fin en soit.
Et pourtant...

Le stylo a encre noire cours sur le papier. Il est libre. Fou. Lui. Mon cerveau embué par les Cuba Libre ne risquerait pas de le commander. Et pourtant, c'est moi qui le tiens. Qui rature. Dérape. Meurs à chaque point. Et me relève lors de chaque nouvelle phrase. C'est moi qui, hurle les mots, vomit les phrases, et dégueule de tant de niaiserie infantile.

Tu voulais de la poésie, du rire… Ironie du sors. Sortilège de la page blanche. Je sais tout ça ! Mais comment une écriture mensongère et si lointaine pourrait-elle remplacer un être ? Je n'y crois pas. Pas une seconde. L'humour ne vient pas de façon réfléchie. L'amour non plus.

Mais je ne peux dormir.
Je le devrais.

C'est l'alcool présent dans mon sang et mes veines qui ne le veut pas. Le spontané vient ainsi d'une autre manière. Tu sais : j'aurais aimé sortir les perruques, comme le premier soir. Tu faisais le rasta et j'me la jouais disco. On rigolait bien. A cette époque là se lier ne voulait pas dire grand chose. Devenir potes. Coucher ensembles. Se marier pour de faux, comme le font les enfants.

Je ne me souciais de rien et voilà que j'écris sans m'arrêter.

C'est mon cercle vicieux.
Mon insomnie passagère.


Finalement écrire m'apporte plus de bien que ce que je ne le pensais. Tu disais aussi... Je m'en souvient maintenant : " Et si tu ne les brûle pas, envoie les a quelqu'un... Un ami... Un proche... Un inconnu... Envoie les moi ! ".


Elle se lève alors, jette feuille et stylo sur la table.


" - Ne m'en veut pas, trop, si je ne reviens pas... Ces choses là ne sont pas faites pour moi. "

Elle s'allume alors une cigarette.
Enlève son tee-shirt plein de sueur et de cendre.
Prends les feuillets sur la table de verre et constate son reflet triste, pâle, morne.

" - J'allumerais un brasier de mes souvenirs. Je serais nouveau né, foetus, et je revivrais. Je renaîtrais... " Elle pleure. " Fuck ! " Une seconde. Le briquet est allumé, les mots et phrases si aléatoirement choisies un instant plus tôt flambent en un joyeux brasier. Deux secondes. Elle hurle. Trois secondes. Elle tombe.





Maux de l'auteur

Quand je reviens d'un voyage, ou que j'ai passé du temps loin de "chez moi", il faut toujours que je ramène un certain nombre de feuillets, brouillons, de textes écrits un peu au hasard. Ils encombrent mes pochettes, papier administratifs, et autres souvenirs... Mais ils sont là !

Textes d'ennui.
Texte du temps qui passe.

Ils peuvent être vus comme des lettres ouvertes écrites on ne sait pas trop bien à qui. La série des textes datés - comme celui-ci -, ont tous été écrits entre les mois de Juillet et d'Août 2008. Ils sont vieux, et puent la rengaine. Mais ont depuis été remaniés en une sorte de fiction, sans début, ni fin.


Iozhel

3.1.10

Sang dessus-dessous

Ma chérie,

Tu laisses toujours tes affair' trainer partout !
Tu as caché sous l'oreiller ton coeur tout mou
J'ai retrouvé ton corps gisant entre les couettes
J'ignore encore où tu as pu laisser ta tête !

Depuis qu'aux ordures t'as jeté ton esprit
Te voilà sans dessus-dessous mais je t'en prie
Essayes de mettre un peu d'ordre dans tout ça
Car dans ses amours je ne m'y retrouve pas.

Ca te dérange pas si je range ton coeur ?
Il me gène. Tout mouillé. Tout recouvert de pleurs.
Il serait bien sur ce clou qui ne sert à rien.
Comme ton coeur. Ils se serviront, ce sera bien.

Tout comme l'aveugle sert le paralytique.
Tout comme chaque pièce d'un puzzle s'assemble
Alors que seules elles ne sont rien. Pathétique.
N'est-ce pas une bonne façon d'être ensemble ?

25.10.09

Une sandale

Marc-Aurèle :

L'air froid lui brûlait la gorge ; ses pieds dégoulinaient de sueur et de sang. Et plus son corps était douloureux, plus son esprit se vidait. Alors il continuait à courir.

Il sentait à présent les graviers envahir ses semelles et les flaques de boue inonder ses orteils. Il ne s'en soucia pas. Pas plus qu'il se souciait d'où ce virage allait l'emmener, ou quel village il venait de traverser. Il pensait de moins en moins, pour aller plus loin.

Sa faim, sa fatigue et le brouillard avaient achevé ses dernières pensées. Il ne courait plus, il trottinait. Pas heureux, mais soulagé. Car il était assez loin, maintenant. Et surtout, il était seul. Et enfin, il était libre.

Jusqu'à ce qu'il heurta je-ne-sais-quoi, et se retrouva face contre terre. Un instant passa, avant qu'il ne se rende compte que le sang envahissait son nez, et que ses crampes lui interdisaient tout mouvement. Il paniqua, car ce qu'il redoutait arriva :

Pourquoi ? Injuste. Bordel. Si seulement. Et après ? Je ne veux pas. Merde. Pas moi. Raté. Fait chier. Plus maintenant. Encore. Dépêche-toi. Jamais. S'il te plaît. Laissez-moi tranquille !

Il se souleva à l'aide de ses bras. Le sang jaillit de son nez. Il ne voulait pas se souvenir. Il posa un pied au sol. Surtout pas de leurs visages satisfaits. Il s'embourba. De ses tapes dans le dos et de son « Ça c'est mon fiston ! » rébarbatif. Il s'appuya sur ses genoux. De l'envie dans les regards de ses camarades. Ses semelles furent avalées par la boue. De ces sourires creux dans ces salles à manger trop dorées. Il avança un pied. De ses longs cheveux d'or. Il se redressa. Tous les je t'aime qu'elle lui murmurait et que, machinalement, il rendait. Il avança l'autre pied. La bague. Il se remit à marcher. Qu'il venait de jeter dans la Seine. Il reprit sa course.

Tel Jason au pied nu. Mais sa toison n'était pas d'or. Il était las des richesses, et même des plus belles princesses. C'était le premier chapitre de sa grande épopée.


Le Monde :

Le Monde – 26 juillet 2002.

Rubrique Faits Divers.

L'étrange disparition d'un jeune héritier.

Fugue ou enlèvement ? Toujours sans nouvelles deux semaines après la disparition du jeune homme de 22 ans.

L'enquête stagne sur la mystérieuse disparition de Marc-Aurèle Kabeya de Bussy. Le fils unique du directeur des programmes de France Télévisions Gustave de Bussy, et de la députée Saône et Loire Nassira Kabeya, a été vu pour la dernière fois le 12 juillet au soir. Selon ses proches, il venait tout juste de demander la main de sa compagne, Natacha Lambroise, fille des premiers producteurs de Cognac de France. L'hypothèse de la fugue – ou, même, du suicide – serait donc invraisemblable pour les enquêteurs qui se penchent sur la piste du kidnapping. Cependant, le majordome, dernière personne à l'avoir vu, confirme qu'il était bien rentré ce soir là. Hors, il n'y a ni trace de lutte ni de violence à son domicile, et aucune rançon n'a encore été réclamée à la famille. Les parents éplorés ont donc lancé un appel à témoignages et promettent d'offrir une récompense à quiconque donnera un renseignement susceptible de faire avancer l'enquête.


Ara :

S'il y avait bien une chose qu'elle détestait, c'était prendre le métro. Heureusement ça n'arrivait pas souvent, mais il y avait des fois où leur chauffeur était trop occupé, et comme ses parents lui interdisaient toujours de prendre la voiture après son dernier accident...alors que ce n'était même pas de sa faute !

Néanmoins, pour une fois, elle n'avait pas le choix. Cette puanteur était insupportable. Et certains gens lui faisaient vraiment peur. Surtout ces derniers temps, avec tous ces maniaques...Dieu merci, il y avait des patrouilles.

A contrecœur, elle s'engouffra dans la rame bondée, tentant d'ignorer les jeunes noirs encapuchonnés, les vieillards édentés et les femmes rasées en survêtement. Elle pianotait sur son portable distraitement. Elle relut ses messages. Son cœur se serra en revoyant le « On se voit ce soir ? J'ai un cadeau pour toi. », qui datait maintenant de plus d'un mois. Elle réprima une larme en parcourant ses photos. Où pouvait-il bien être ? Ils ne l'avaient toujours pas retrouvé. Même pas une piste, alors qu'ils avaient investi tant d'argent, et même fondé une association. C'était une honte...Elle ne savait même pas s'il était en vie. Et s'il l'était, il devait être en grand danger pour ne pas revenir. Car après tout, il reviendrait pour elle, non ? Tout allait si bien, ils allaient même se marier. Mais à propos, où pouvait bien être cette bague ?...

Les portes s'ouvrirent enfin, et elle se débattit pour s'extirper de la marée humaine. Ce n'était pas encore fini, elle devait encore s'échapper du dédale des tunnels bondés. En évitant soigneusement les déchets divers et les journaux qui lui volaient à la figure, elle commença à entendre une chanson. Ça ne semblait pas provenir d'une radio. Après un autre virage, elle vit ce qu'elle redoutait ; encore un clochard. Tant pis, elle n'avait pas le choix, elle l'éviterait du mieux qu'elle pouvait. Le pire, c'est qu'il n'avait pas l'air vieux, avec ses fanfreluches colorées. Et c'était une chanson qu'elle connaissait. Qu'elle aimait beaucoup, même. Et il la chantait très bien. Lorsqu'elle voulut l'éviter, elle se trouva en fait incapable de détacher son regard de lui.
En effet il était jeune : son âge, sûrement. La peau brune, assombrie par sa saleté. Des dizaines de mèches de toutes les couleurs lui tombaient sur le visage, d'autres étaient dressées en l'air. Et lorsqu'elle arriva devant lui, elle croisa son regard. Ces pupilles noires comme des scarabées. Elle les connaissait trop bien. Tout était là, ces yeux, ce nez, ce visage. Et pendant une fraction de seconde, il était revenu. Ce qui vint tout gâcher, fut un sourire. Un sourire qu'elle n'avait jamais vu. Un sourire éclatant, qui vint déformer le visage qu'elle aimait. Et il continua sa chanson, l'air heureux.

Non, ça ne pouvait pas être lui. Elle avait dû rêver.

Les semaines suivantes, les affiches et les avis de recherches pour Marc-Aurèle Kabeya de Bussy se firent plus rares, jusqu'à être complètement oubliées, et l'association fut fermée. Les mois suivants, un jeune sans-abri, communément surnommé Ara, continua de chanter gaiement dans le métro Parisien.



Note : J'ai écrit la première partie de ce texte pour un exercice d'écriture de scénario à l'école, il fallait s'inspirer de peintures de Magritte. Ensuite nous avons transformé nos textes en scripts puis en story boards. Comme j'ai terminé en avance, j'ai écrit les deux autres parties pour rejoindre l'histoire d'un personnage que j'avais en tête il y a longtemps, mais que je n'avais jamais concrétisé, pour en faire un petit conte moderne. J'espère que ça vous a plu.

28.7.09

Carnaval


Et j’ai pour horizons des marais assoupis,

Où les plumes volées des anges heureux tombent

Comme des poux à la mer.

Ni la nuit, ni l’hiver ne m’envient leur langueur,

Et pourtant.


C’est en eaux mornes que mon cœur a grandi,

Offrant chaque nuit son opium aux déments,

Buvant avec eux comme un soleil gâché.


Ah !

Qu’il est doux le baiser de ses bras, décharnés

A brasser la poussière,

A n’aimer que la terre !


J‘ai pour horizons des rêves plombés par la fièvre lente de mon astre déchu.

Mon cœur s’affuble d’un monstre sacré qui brille sur l’océan des masques vierges.

Que le chemin est long !

Rapace ! Je suis ton paradis.



Sineptie